Francesco Campadelli
Poète et fabuliste XIXº – Le Bûcheron et le Singe
Dans une forêt magnifique,
Un Bûcheron, au bras nerveux,
Cherchait à fendre un chêne antique,
Au tronc solide, épais, noueux.
Un Singe, à très peu de distance
Caché parmi les verts rameaux,
Observait avec patience
Le Bûcheron en ses travaux.
Pourquoi, disait-il en lui-même,
N’en ferais-je pas tout autant ?
Et, dans cette tâche suprême,
Ne l’aiderais-je en attendant ?
Il parlait comme un savant livre.
L’heure ayant sonné sur ces mots,
Notre bon villageois se livre
Au repas, ensuite au repos.
Le Singe, aussitôt, qui le guette
En son sommeil réparateur,
Saute de l’arbre, court, se jette
Sur les outils du travailleur.
Il les remue, et pêle-mêle
Il les éparpille à l’entour ;
Et d’une hache, de plus belle,
Il s’arme et s’anime à son tour.
Le fer ouvre le bois qui cède,
Et notre Singe, sans tarder,
Et des pieds et des mains procède
Pour aussitôt le retirer.
Il y parvient avec grand’peine
Et maints soubresauts de fureurs ;
Mais aussitôt, à perdre haleine,
On l’entend pousser des clameurs,
Qu’était-ce ? notre pauvre hère,
En arrachant le fer meurtrier,
Aux fentes du bois qui l’enserre
S’était laissé prendre le pied.
Le villageois tout en colère
Se réveille, et fort peu courtois,
Dans sa douleur aiguë, amère,
Le console à coup de vert bois.
Puis, délivrant le pauvre diable :
Garde-toi, dit-il, d’oublier
La morale de cette fable,
Et laisse à chacun son métier.
Francesco Campadelli, Le Bûcheron et le Singe
Paris, le 29 décembre 1858.