… Une autre d’une autre maniere.
Un serpent avait sa taniere
A l’huis d’un paisan bucheron :
L’enfant du paisan ne s’avise
Qu’il marche la beste surprise
Qui le mordit par le talon.
Le venin dans les veines glisse :
Et soudain sa froide malice
Montant jusqu’au cœur l’estouffa.
L’enfant mourut : le pauvre pere
Et de douleur & de colere
Contre le serpent s’eschaufa.
Pour vanger son fils, sa congnee
Il a sur le champ empoignee,
Se plante au goulet du serpent.
Et tant attendre delibere,
Que celle méchante vipere,
S’elle sort, il tue l’attrapant.
Elle de son meffait coupable.
Cauteleuse & non decevable,
Guette autour devant que sortir.
Le pere, hastif de vengeance.
Un coup de sa congnee elance
Cuidant la beste mipartir.
Mais il la faillit, car la teste
De la beste à se plonger preste.
Dedans le trou se recacha.
La congnee à faute chassee.
D’une taillade en long tracee,
La roche du goulet trencha.
Ceste vermine ainsi evite
La vengeance & la mort subite.
A jamais du juste courroux
La marque sus le trou demeure,
Qui l’advertist qu’il ne s’asseure.
Aussi ne fait le serpent roux.
“Le Bucheron et le serpent”
Jean-Antoine de Baïf– 1532 – 1589