Lorsqu’ils virent le chameau pour la première fois, les hommes eurent peur, et, frappés de sa grande taille, ils s’enfuirent. Mais quand avec le temps ils se furent rendu compte de sa douceur, ils s’enhardirent jusqu’à l’approcher. Puis s’apercevant peu à peu que la bête n’avait pas de colère, ils en vinrent à la mépriser au point de lui mettre une bride et de la donner à conduire à des enfants.
Cette fable montre que l’habitude t’aime la peur qu’inspirent les choses effrayantes.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Chameau et les Bâtons flottants
Le premier qui vit un chameau
S’enfuit à cet objet nouveau;
Le second approcha; le troisième osa faire
Un licou pour le dromadaire.
L’accoutumance ainsi nous rend tout familier:
Ce qui nous paraissait terrible et singulier
S’apprivoise avec notre vue
Quand ce vient à la continue.
Et puisque nous voici tombés sur ce sujet,
On avait mis des gens au guet,
Qui voyant sur les eaux de loin certain objet,
Ne purent s’empêcher de dire
Que c’était un puissant navire.
Quelques moments après, l’objet devint brûlot,
Et puis nacelle, et puis ballot,
Enfin bâtons flottants sur l’onde.
J’en sais beaucoup de par le monde
A qui ceci conviendrait bien:
De loin, c’est quelque chose; et de près, ce n’est rien.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)