Étienne Fumars
Poète et fabuliste XVIIIº – Le chapon et le coq
Un chapon qui voulait qu’on le crût quelque chose
S’érigeait en censeur dans une basse-cour.
A l’entendre, le coq faisait fort mal l’amour.
S’il savait profiter de tout ce que j’expose,
Mes chères, vous auriez d’autres amusements,
Disait-il. J’en conviens, il a de grands talents ;
Mais c’est en faire abus d’oser tout ce qu’il ose.
Il ne sait courtiser que par brusques élans;
Toujours il veut surprendre, et sa touche est trop dure.
Vous souffrez, je le vois, dans ses embrassements.
Il fait, il fait, il fait, sans rime ni mesure :
Il est vif, il est chaud, mais n’a rien de flatteur.
Il faut étudier l’art d’être créateur.
Pour plaire et pour aimer ma méthode est plus sûre.
— Ici l’on n’ouït plus l’écourté radoteur.
A dix beautés l’Hercule ayant mordu la crête,
Remplit l’air du son de sa voix,
Et de la basse-cour poursuivant la conquête
Sous l’arc noir de sa queue empanache sa tête,
Et marche d’un pied ferme à de nouveaux exploits.
Le génie est mon coq, et le folliculaire
Le chapon qui lui montre à faire.
Étienne Fumars