Laissez-moi vous conter, sous forme d’apologue,
Le récit d’un très vieux trappeur :
« Vous avez, m’a-t-on dit, en Europe des dogues
Pour coiffer sanglier rageur ;
Je le comprends, ma foi ! car un gros solitaire,
Faisant tête aux chiens dans son fort,
Vous découd bel et bien, en sa forme ordinaire,
Et qui se garde n’a pas tort !
En forêt vierge on croit que ce n’est pas la peine
De se garder des Pécaris,
Nos sangliers à nous, qui ne sont gros à peine
Que comme de petits cabris.
Écoutez tout d’abord ma plaisante aventure,
Vous direz après votre avis :
Apercevant sous bois, un jour, de loin, la hure
D’un premier Pécari : Paf ! mort !
Un second se présente, il est tué de même,
Mais il en vient encor, encor !
Et tant ! et tant ! qu’il faut, pour me sauver moi-même,
Grimper à l’arbre avec effort.
De mon affût j’en fais un énorme carnage,
A coups pressés de winchester,
En vain ! ces animaux pris d’une folle rage,
Ces diables vomis par l’enfer,
Assiègent mon refuge, et de leur groin immonde
Mon arbre vont déraciner.
Par bonheur un puma, lion du Nouveau Monde,
Rugit, et les fait détaler. »
Eh ! eh ! l’ami chasseur ! c’est de la politique :
Le sanglier coiffé, c’était un empereur,
Vos pécaris m’ont l’air d’être une république,
Et comme à vous, mon cher ! le nombre me fait peur.
“Le Chasseur et les Pécaris”