Un Cheval Lapon, philosophe s’il en fut jamais, et voyageur d’inclination, sortit de son pays pour voir le monde. Après avoir passé par l’Angleterre, par la France et par l’Espagne, il arriva en Afrique: c’était là que régnait le lion, roi des animaux. L’étranger savait la politesse, il se fit présenter à sa Majesté pour lui rendre hommage : il fut introduit par le singe, introducteur des ambassadeurs. Soyez le bien-venu, lui dit le monarque ; il me tarde de vous entendre raconter vos voyages : j’ai du loisir ; parlez, et ne craignez pas de m’ennuyer. Notre voyageur Européen ne se fait pas prier deux fois : c’était un grand parleur ; presque tous les voyageurs le sont Sire, dit-il, en faisant la révérence, je viens du pays le plus beau et le plus fertile de l’univers : mais je trouve ici une grande différence : premièrement, les hommes y sont blancs ; ils sont noirs ici. Secondement, les rivières y sont dures comme le marbre: on les traverse à pied : elles portent……..
—…Halte-là, dit le Lion, en l’interrompant ; me prenez-vous pour un imbécile, en voulant me faire accroire des impossibilités! Est-ce ainsi que vous osez m’en imposer, en ma présence?
Notre voyageur quadrupède veut s’excuser: on ne l’écoute pas : on le chasse à coup de cornes, de griffes, et de dents.
C’est une imprudence de parler contre l’opinion des gens prévenus ; et c’est une vaine présomption de nier avec opiniâtreté une chose, parce qu’elle- nous parait difficile ou impossible.
“Le Cheval et le Lion”