Un certain Loup, dans la saison
Que les tièdes Zéphyrs ont l’herbe rajeunie,
Et que les animaux quittent tous la maison,
Pour s’en aller chercher leur vie ;
Un loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l’Hiver,
Aperçut un Cheval qu’on avait mis au vert.
Je laisse à penser quelle joie !
Bonne chasse, dit-il, qui l’aurait à son croc.
Eh ! que n’es-tu Mouton ? car tu me serais hoc :
Au lieu qu’il faut ruser pour avoir cette proie.
Rusons donc. Ainsi dit, il vient à pas comptés,
Se dit Ecolier d’Hippocrate ;
Qu’il connaît les vertus et les propriétés
De tous les Simples de ces prés,
Qu’il sait guérir, sans qu’il se flatte,
Toutes sortes de maux. Si Dom Coursier voulait
Ne point celer sa maladie,
Lui Loup gratis le guérirait.
Car le voir en cette prairie
Paître ainsi sans être lié
Témoignait quelque mal, selon la Médecine.
J’ai, dit la Bête chevaline,
Une apostume sous le pied.
– Mon fils, dit le docteur, il n’est point de partie
Susceptible de tant de maux.
J’ai l’honneur de servir Nos seigneurs les Chevaux,
Et fais aussi la Chirurgie.
Mon galand ne songeait qu’à bien prendre son temps,
Afin de happer son malade.
L’autre qui s’en doutait lui lâche une ruade,
Qui vous lui met en marmelade
Les mandibules et les dents.
C’est bien fait, dit le Loup en soi-même fort triste ;
Chacun à son métier doit toujours s’attacher.
Tu veux faire ici l’Arboriste,
Et ne fus jamais que Boucher.
Autre analyse:
Analyses de Chamfort – 1796.
V. 2. Que les tièdes zéphirs ont l’herbe rajeunie.
Cette transposition, au lieu de ont rajeuni l’herbe, était autrefois admise dans le style le plus noble ; elle n’est plus reçue que dans le style familier, et encore faut-il en user sobrement.. Elle vieillit tous les jours.
Prés . . . propriétés. . . . Mauvaises rimes.
V. 24. Mon fils. . . L’hypocrite redouble de tendresse au moment où il se croit sûr de réussir.
Études sur les fables de La Fontaine, P. Louis Solvet – 1812.
Le Cheval et le Loup.
Ésope, F.63.
V. 1. Un certain Loup, dans la saison
Que les tiède s Zéphirs ont l’herbe rajeunie.
Cette transposition, au lieu de ont rajeuni l’herbe, étoit autrefois admise dans le style le plus noble : elle n’est plus reçue que dans le style familier, et encore faut-il en user sobrement. Elle vieillit tous les jours.
Voltaire, dans son commentaire sur Corneille y dit, à l’occasion de ces vers de la tragédie d’ Horace:
Il est de tout son sang comptable à la patrie. Chaque goutte épargnée a sa gloire flétrie…lire la suite
Analyse des fables de La Fontaine par Louis Moland, 1872.
Fable VIII. Le Cheval et te Loup. Esope, 263,134. — Faern., 4.
La Fontaine a traité un peu différemment le même sujet dans la fable XVII du XIIe livre : le Renard, le Loup et le Cheval.
Cette fable ésopique a formé, au moyen aget un épisode ou, comme on disait, une branche du Roman de Renard. Cette branche a pour titre : C’est de la Jument et d’Ysengrin. Lorsqu’elle a fait son coup, la jument, qui se nomme Rainsaut- dans le cycle,
Rainsaut s’en tourne regibant,
La queue levée, va fuyant…
Dans l’Ysopet de 1333, le lion (au lieu du loup; aborde le cheval aussi hypocritement que dans La Fontaine. S’il ne l’appelle pas mon fils, il l’appelle frère.
Il lui dit : frère. Dieu vous saut (sauve) !
Je sais moult bien ce qu’il vous faut :
Pour très bon mire médecin) suis tenu;
Je suis de Salerne venu…
Ces traits, que nous relevons en passant, sont pour montrer ce qu’il y a de pittoresque et d’animé dans l’ancienne fable française, et comment la fable de La Fontaine s’y rattache directement et étroitement.