Un pauvre âne égaré demandait instamment,
Et d’une manière civile,
Au cheval qui le soir regagnait son asile,
Un abri sous son toit pour la nuit seulement :
« Vous entendez, dit-il, gronder l’affreux orage ;
Je ne puis par ce temps connaître mon chemin :
L’aube du jour dissipant tout nuage.
Je partirai dès le matin,
Et rejoindrai maître et moulin.
— Mais mon logis n’a pas un grand espace,
Repartit le coursier, ce n’est qu’en me gênant.
Et vous-même en vous fatiguant
Que vous pourrez y trouver place.
D’ailleurs, du seigneur de ces lieux
Je redoute pour vous des traitements fâcheux ;
Il voit tout, il sait tout, comment vous satisfaire ?
Vous n’aurez ni paille, ni grain
Je n’ai que le pur nécessaire :
Quelle douleur pour moi si vous mouriez de faim ! »
Une vache près d’eux allait son petit train,
Écoutait le coursier, devinait sa pensée.
« Viens, dit-elle au baudet, viens, mon ami ; suis-moi :
Je vais partager avec toi
Mon reste de pâture et ma courte litière :
Gêne dans son palais, repos dans mon réduit. »
L’indifférent raisonne, délibère,
Le bon cœur tout d’un coup agit.
“Le Cheval, l’Âne et la Vache”