Dans la préface de ses fables,
Florian dit que le chevreuil,
Des animaux, certes, un des plus aimables,
Pour humilier notre orgueil,
Du bonheur domestique offre à nos yeux l’image.
Là, d’hymen et de parentage
On voit plus d’un couple lié :
Des guèbres ils suivent l’usage.
Là, nœud d’amour, (nœud d’amitié
Lui succédant toujours en mariage)
N’est rompu que par le veuvage.
J’en connus un pourtant, par la fougue de l’âge,
Par les passions emporté,
Beau, jeune, ardent, ayant maint avantage
Sur ses pareils, qui, cessant d’être sage,
Livra son cœur à l’infidélité,
Qui, délaissant sa sœur et sa compagne,
D’autres appas, d’autres charmes épris,
De bois en bois, de montagne en montagne,
Nouveau Gallus suivait sa Lycoris.
Bientôt même, étouffant les cris
Du remords, de la conscience,
Ils vivent en époux, elle lui donne un fils.
La mort enfin, dans ce seul cas, je pense.
Juste, inopinément, brisa, tarit le cours
De ces illicites amours.
De Lycoris et de ses charmes
Il ne reste plus rien, plus rien en peu de jours !
Le chevreuil en versa de si sincères larmes,
Que, quoiqu’en le blâmant, mon cœur y compatit.
Si vous me demandez ce que par suite il fit :
Il reprit sa première chaîne.
Jeune, on peut s’égarer ; mais, tôt ou tard, le cœur
Reconnaît son devoir. La passion entraîne ;
Mais la famille seule offre le vrai bonheur.
” Le Chevreuil infidèle”