Jean François Haumont
Militaire, poète et fabuliste XVIIIº – Le Chien danois et le Chien de berger
Un chien Danois, d’une belle apparence,
Au regard fier de l’importance,
Rencontra près d’un verger,
Coridon, chien de berger.
Serviteur, mon cher camarade,
Dit Coridon au chien Danois.
Plaît-il ? vous plaisantez, je crois,
Ou bien vous avez bu rasade,
Répondit le Danois: votre ton familier
Me paraît un peu singulier :
Apprenez que je suis de la plus noble race ;
Qu’un mâtin comme vous a bien mauvaise grâce
De manquer de respect à quelqu’un tel que moi.
– Pardon, monsieur, j’ignorais, par ma foi,
Vos titres et votre noblesse ;
Que vous étiez d’une autre espèce ;
Un grand Danois de qualité ;
Je croyais, entre nous, parfaite égalité
Sur le rang et sur la naissance :
J’ai tort ; mais dites-moi quelle est la différence ?
Dussiez-vous cent fois vous fâcher,
Je ne saurais m’empêcher
De vous dire ce que je pense.
Quoi! vous montrez les dents ?
Un peu de patience !
Je vous accorde la beauté ;
Mais quant à l’utilité,
L’esprit et l’intelligence,
Par-tout j’aurai la préférence.
Je gardé mes moutons avec fidélité :
Au moindre mot, au moindre geste,
Je cours, je vole, je suis leste ;
On rend justice à ma capacité :
Mais vous, avec l’air d’arrogance,
Que savez-vous ? faire bombance,
Précéder le char des traitants
Pour renverser tous les passants ;
Un tel emploi n’est qu’un vil esclavage.
Le collier que je vois n’en est-il pas le gage ?
Réprimez, croyez-moi, vos discours insolents :
Je suis né votre égal, et plus, par mes talents.
—Cette comparaison, et m’indigne, et m’outrage :
Faquin ! si j’écoutais un trop juste courroux….
— Vous vous fâchez toujours : mon ami, estimez-vous.
Voilà de l’orgueilleux le ton et le langage :
Aveugle par la passion,
Il s’arme de l’injure, au défaut de raison.
Cette fable fut composée plusieurs années avant la révolution.
Jean François Haumont