Jean Baptiste François Ernest Chatelain
Un Chien de basse cour à table se plaçait
Comme en un lieu séant à sa nature.
Et doucement se nourrissait
De biscuits et de confiture.
La Marquise, sa dame, ainsi l’avait voulu ;
Et tout venant pour lui complaire,
Faisait au favori velu
Accueil flatteur . . . sinon sincère.
Le drôle, toutefois, n’en était pas meilleur,
Bien au contraire,
Chaque jour le voyait hargneux et querelleur,
Jusqu’à mordre à la circonstance
Les valets de sa connaissance.
L’abus était flagrant ; mais pour y mettre fin
Le ciel enfin
D’un rhume bel et bon gratifiant la dame
Ad patres envoya son âme,
Et tout changea. Le lendemain
Du salon l’animal se vit fermer la porte,
Et comme il grommelait, on le rossa de sorte
Qu’il se crut trop heureux d’esquiver le bâton,
En trouvant un asile auprès du marmiton.
Lorsque d’un grand l’estime ou le caprice
Nous met au rang des favoris,
Chacun en nous fêtant dit qu’il nous rend justice.
Et veut être de nos amis ;
Mais si nous tombons en disgrâce.
Nul n’est tardif à nous quitter,
Et nos plus grands flatteurs seront dans cette passe,
Les premiers à nous insulter.
“Le Chien de la Marquise”