» Tout beau, Dragon , tout beau, mon cher ami !
» Qu’il est méchant! prenez bien garde à lui !
» Éloignez-vous. Comme il ronge sa Chaîne !
» Entendez-vous ses hurlements,
» Ses cris, ses affreux grincements?
» S’il s’échappe, malheur ! notre perte est certaine,
» On peut voir, à ses yeux ardents,
« Qu’aucun de nous, n’évitera ses dents. »
Ainsi formant le cercle autour d’un Chien terrible,
Qu’on surnommait l’Incorruptible,
Parlait une troupe d’enfants
Émus, agités et tremblants,
Tandis que, selon l’usage,
Les plus peureux faisaient des récits effrayants
Sur tous les chiens enragés du village.
Mais Dragon cependant redouble ses efforts,
La Chaîne cède, casse ; et, se croyant tous morts ,
Nos marmots se poussent, s’agitent,
Tombent de tous côtés, et, certains d’être pris ,
Vers la maison se précipitent,
En poussant d’effroyables cris :
« Sauvons-nous ! Fermez tout ! Gardez-nous de sa rage!
« Il a mangé déjà trois de nos compagnons ! »
Et que faisait Dragon pendant tout ce tapage?
Suivait-il nos petits poltrons?…
Non ; Dragon , que souvent on prenait par famine ,
Courait…. où donc?… à la cuisine !
J’intitule ceci, messieurs :
Recette contre les frayeurs
Que nous causent les aboyeurs.
“Le Chien et la Chaine”
- Ulric Guttinguer, 1787 -1866