Antoine Alfred Désiré Carteret
Sur un poirier aux branches noires
Portant du givre au lieu de poires,
Un large corbeau s’abattit.
Un doguin qui passait le vit.
Il s’arrête, et soudain s’élance
Vers l’arbre aussi prompt que l’éclair.
Son œil pétillant, il saute, il danse,
En aboyant le nez en l’air.
Le corbeau décampe au plus vite
Et va sur un pommier voisin.
Notre aboyeur s’y précipite,
Et là recommence son train.
Disant : « Croâ croâ ! » l’oiseau soudain
Réitère quelques coups d’aile ;
Mais le chien de nouveau le suit,
Trépigne, bondit de plus belle
Et fait encore plus de bruit.
L’autre lui crie : « Ah ! ma parole !
« Je pense que vous êtes fou ;
« Car, sans m’atteindre moi qui vole,
« Vous pourrez vous rompre le cou. »
Puis il va cependant encore,
« Croâ, croâ, croâ ! » plus loin se placer.
Mais du chien la fougue sonore
Ne semble pas près de cesser.
Cette fois le corbeau s’avise
De rester coi, sur son rameau.
Le têtu poursuit l’entreprise,
Il s’enroue, il crie à l’oiseau :
« Descends donc ! montre ton courage.
« Oh ! le poltron ! » De ce langage
La rudesse ne sert de rien.
On semble mort. Alors le chien
A s’en aller se détermine,
Et reprend sa route assez sot.
Pour arrêter qui vous taquine,
Restez calmes, ne dites mot.
“Le Chien et le Corbeau”