Castor, jeune épagneul rempli de gentillesse,
Etait nourri dans la même maison
Avec un certain chat qu’on appelait Minon.
Minon, sous des dehors tout pleins de politesse,
Savait cacher l’humeur de son espèce ;
Avec le chien il prenait son ébat ;
Même coussin leur servait de couchette,
Et tous les deux mangeaient au même plat.
Un jour il arriva, quand la soupe fut prête,
Que l’épagneul en goguette
S’avisa de crier :
« Au rat ! » Et Minon de courir pendant que son confrère,
Plus affamé qu’à l’ordinaire,
A lui tout seul avalait le dîner.
Bien plus, lorsque Minou arriva de sa quête,
D’un grand éclat de rire il lui partit au nez.
L’animal cauteleux prit mal ce badinage,
Et, se voyant privé de rat et de potage,
D’un coup de griffe à l’œil il marqua bel et bien
Le pauvre chien.
Castor, tout parafé, se désespère ; il crie.
Lors, pour le consoler, la servante qui rit :
« Monsieur Castor, on vous l’avait bien dit :
Avec mauvaises gens point de plaisanterie. »
“Le Chien et le Chat”