Pierre – Joseph Charrin
Chansonnier et fabuliste XVIIIº – Le chien, le chat et la souris
Un Chien, un Chat, une Souris,
Habitaient le même logis.
Le Chien, toujours sur le qui-vive,
Au bruit le plus léger en sentinelle active,
Alerte, aboyait,
S’élançait
Les yeux enflammés vers la porte,
Et vaillamment se disposait
À traiter de la bonne sorte
Quiconque se hasarderait
A la forcer en l’absence du maître.
Le Chat, accroupi près du feu,
Se chauffait, s’inquiétait peu
Du grognement inopportun peut-être
De l’Argus. A l’écart, la Souris observait
Et disait :
Quel serviteur vigilant et fidèle !
Quel ami dévoué ! Il n’est pas d’animal
Qui du Chien se montre l’égal !
Je l’admire et je l’aime !… « — On exalte son zèle,
» Son dévouement et sa fidélité ;
» On cite son bouillant courage ;
» Mais a-t-il une qualité
» Qui ne soit aussi mon partage ?
Fit à son tour le Chat ; « Je t’entends, je te voi,
» J’aurais pu me jeter sur toi,
» Te croquer, petite voisine,
» Et je n’en ai rien fait. Tu peux aller, venir,
» Mes griffes ni mes dents ne se feront sentir
» Sur ta peau délicate et fine :
» Approche sans trembler. «— Penses-tu, vieux matou,
» Me faire sortir de mon trou ?
» Non, non ! je suis trop prudente et trop sage,
» Pour me fier à ton langage ;
Réplique la Souris. « Je te connais trop bien.
» Mais eusses-tu les qualités du Chien,
» Qu’en toi je haïrais tout ce qu’en lui j’admire.
On refuse à ses ennemis
Les vertus dont on aime à doter ses amis :
De la prévention, tel est l’aveugle empire.
Pierre –Joseph Charrin