Un jour un Coq détourna
Une Perle, qu’il donna
Au beau premier Lapidaire.
“Je la crois fine, dit-il ;
Mais le moindre grain de mil
Serait bien mieux mon affaire.
Un ignorant hérita
D’un manuscrit, qu’il porta
Chez son voisin le Libraire.
“Je crois, dit-il, qu’il est bon ;
Mais le moindre ducaton*
Serait bien mieux mon affaire.
Commentaires de Chamfort – 1796.
Ces deux petits faits, mis ainsi à côté l’un de l’autre, racontés dans le même nombre de vers et dans la même mesure, font un effet très-piquant. Les six derniers vers ne sont que l’explication des six premiers, mais le commentaire plaît autant que le texte.
V. 3. Le beau premier , le fin premier, mots reçus dans l’ancien style pour dire simplement le premier. On le disait encore de nos jours dans le style familier.
Analyses de MNS Guillon – 1803.
Cette fable est la genre de celles que l’on appelle composées , c’est-à-dire où la morale mise elle-même en action , présente un second apologue. On peut en voir on autre exemple dans Hagedorn, fabuliste allemand. Il fait d’un méchant poète qui accouche de ses productions, l’anti-type particulier de la montagne en travail.
« Dieux ! secourez-nous, dit-il ; hommes ! fuyez ; une montagne enceinte va accoucher ; elle jettera autour d’elle , avant que l’on soit sur ses gardes, et sable, et terre et pierres.. . . Suffénus sue, fait grand bruit, il écume ; rien ne peut calmer sa noble fureur ; il frappe des pieds, il grince des dents. Pourquoi ? Il rime, il veut couvrir Homère de honte. Mais voyons : que résulte-t-il de part et d’autre? Suffénus fait un sonnet, et la montagne enfante une souris.
(1) Au beau premier. Cette expression est encore quelquefois d’usage dans le style familier.
Ces deux sujets peints des mêmes couleurs , réunis dans un même cadre, font un tableau piquant. (Le Coq et la Perle)