André-Clément-Victorin Bressier
Le fier sultan des basses-cours,
Ennuyé du caquet de ses poules coquettes,
Lassé de faciles conquêtes,
Enviait du pigeon les fidèles amours.
« Voisin, lui disait-il, comment se peut-il faire
Que tu sois en amour plus fortuné que moi ?
Sans nulle vanité, j’ai ce qu’il faut pour plaire,
Je suis jeune et beau comme toi.
Et cependant, à mon sérail volage
Le plus misérable cochet
Vient-il présenter son hommage,
On l’écoute, on l’accueille, il faut que mon courage
Punisse un rival indiscret.
Pour être chéri sans partage,
De grâce apprends-moi ton secret. »
— « Il n’est point là de mystère,
Lui répond l’oiseau de Vénus ;
Je remplis les devoirs d’un époux et d’un père ;
Voilà mes secrets connus.
Quand ma compagne de son aile
Couvre de ses petits les membres demi-nus,
Perché sur sou panier, je veille à côté d’elle ;
De sa tendresse maternelle
Je partage les soins ; ces fils qu’elle chérit,
Mon duvet les réchauffe et mon bec les nourrit.
En quittant leur frêle coquille,
Les tiens, faibles encor, courent mille dangers ;
Tu ne les connais pas, ils te sont étrangers ;
Conquérant dédaigneux, tu n’as point de famille.
Ton égoïsme et ta fierté
Sont punis par l’indifférence ;
Je suis tout amour, tout constance ;
J’ai droit à la fidélité. »
“Le Coq et le Pigeon”