Gabriel de la Concepción Valdés
Etendu sur le vert gazon,
Qui pare le devant de sa riche maison,
A l’ombre épaisse d’un vieux hêtre,
Certain élégant petit-maitre
Avait recherché la fraîcheur.
Il était là, tranquille et rêvant au bonheur,
Quand, sous ses yeux, un coq à l’éclatant plumage
Se jette avec fureur sur un jeune poulet
Qui, fort innocemment, comme on fait à cet âge,
Ne songeait qu’au plaisir et parfois au millet.
Puis sous le double effort et du bec et de l’aile,
Cette bête cruelle
Du malheureux poussin, hélas!
A bientôt causé le trépas.
— Infâme et lâche, dit le maître
Enflammé d’un noble courroux,
Qui te porte à rouer de coups
Ce malheureux que tu vis naître?
— Homme, dit le coq à l’instant,
Écoute et réfléchis sur ce que je vais dire.
Si je m’en vais persécutant
Ce poulet-ci tant qu’il respire,
Je n’ai point d’autre loi, j’en demeure d’accord,
Que celle où tu puises toi-même
Un droit fatal, un droit suprême,
Le droit de tout tuer : c’est la loi du plus fort.
— Bravo! d’après cette maxime,
Reprit l’homme en riant et se frappant le front,
Je puis te prendre pour victime.
En grands enseignements ce principe est fécond
Et vous viendrez encor, moralistes sévères,
Dans vos ouvrages somnifères,
Nier que les bêtes parfois
Peuvent nous enseigner les lois!
“Le Coq lettré”