Le Cygne et le Cuisinier analyses et commentaires de MNS Guillon – 1803.
- Le Cygne et le Cuisinier.
(1) Tantôt on les eût vus côte à côte nager, Tantôt courir sur l’onde,et tantôt se plonger, Sans pouvoir satisfaire, à leurs vaines envies. Traduction aussi élégante que fidelle de ces vers des Georgiques :
Nunc caput objectare fretis, nunc currere in undas , Et studio incassum videas gestire lavandi.
(2) Un tel chanteur. La tradition qui accorde au Cygne la faculté de chanter agréablement, a pour antorité tous les poètes anciens. Platon , dans sou Phédon, enchérit encore sur l’erreur des poètes. Selon eux, seul entre tous les êtres qui frémissent à l’aspect de leur destruction, il chantoit au moment de son agonie, dit M. de Buffon, et préludoit par des sons harmonieux à son dernier soupir. «C’était, disoient-ils , près d’expirer, et faisant à la vie un adieu triste et tendre, que le Cygne rendoit ces accents si doux et si touchants, et qui, pareils à un léger et douloureux murmure d’une voix basse, plaintive et lugubre, formoient son chant funèbre. » Cette opinion a trouvé des contradicteurs , même dans l’antiquité. Alexandre le Myndien la traite de fabuleuse (Liv. IX des Diphosophistes d’ Athénée). Pline, le naturaliste, la combat par des expériences qui la démentent (L.X. ch. 23.), Lucien, par ses plaisanteries accoutumées, plusieurs modernes , par des explications forcées. Mais, comme si la nature se jouoit à mettre en défaut les hommes avec leur expérience , d’autres témoignages tout aussi authentiques, et dont la preuve est encore sous nos yeux, réhabilitent le Cygne dans son antique réputation. Voisins le fils affirmoit que , dans les mers du Nord , on voyoit des Cygnes à voix mélodieuse, et qu’il se présentoit souvent dans la Suède de ces aimables musiciens. De nos jours, M. l’abbé d’Arnaud soumettoit les chants de cet Oiseau à des mesures cadencées savamment ; et tout Paris put aller voir à Chantilly des Cygnes chanteurs, auxquels la magie du lieu sembloit donner en quelque sorte un caractère d’enchantement.
(3) Qui nous suivent en croupe. C’est le mot d’Horace : Post equitem sedet atra cura, si heureusement traduit par Boileau :
Le chagrin monte en croupe, et galoppe avec lui.
(Ep.v.v.44.)
On doit à La Fontaine et cette traduction si fière de l’image latine, et la belle imitation française. L’abbé Batteux croit que Boileau n’eut point osé de lui-même la hasarder. ( Cours de Belles Lettres, T. IV. 3e. part. p. 68.) Le Cygne et le Cuisinier.