Un riche à la campagne, et pour son agrément,
Nourrissait avec soin un cygne avec une oie ;
Tous deux avaient un plumage d’argent,
Tous deux faisaient son bonheur et sa joie.
Le cygne au sein des eaux par son chant amoureux
Réjouissait son maître et tout le voisinage.
L’oie un jour de festin en pompeux étalage,
Devait offrir sur table un mets délicieux.
Ce jour arrive : un repas somptueux
Est commandé, sur l’oie, aussi blanche que grasse ;
Le cuisinier, suivant l’ordre reçu,
Se dispose à faire main basse.
C’était le soir, par la couleur déçu,
Pour l’oie, ô ciel ! le bourreau prend le cygne.
Ce pauvre oiseau, le cou tendu
Allait périr : soudain par un bonheur insigne,
Trompant du sort l’influence maligne,
Il fait entendre un chant plein de douceur.
Qui surprenant le cuisinier, sans doute,
Tout aussitôt vers l’oie il dirige sa route,
Et lui donnant la mort, répare son erreur.
Heureux celui qui dans la fleur de l’Âge
Fait provision de talents.
Si le savoir est utile en tout temps,
Au sein de l’infortune il l’est bien davantage ;
Dans l’exil ou dans l’esclavage,
Pauvre, et maudissant l’inclémence du sort,
J’ai connu maint grand personnage
Que leurs talents ont sauvé de la mort.
“Le Cygne et l’Oie”
Note :
On dit que le cygne chante très-bien ; mais une chose singulière, c’est qu’on ne trouve personne qui dise ” Je l’ai entendu chanter.”