Le Désert, un beau jour, rencontra le Mérite
Qui, tout chagrin, lui dit : « L’injustice m’irrite.
Et j’ai besoin de consolation. »
Le Désert répondit : « C’est une illusion
De vouloir ici-bas trouver sa récompense;
Le héros que la mort moissonne au champ d’honneur,
Que reçoit-il pour prix de sa vaillance?
Tu vis caché; l’intrigue étale en sa splendeur
Les vertus dont elle a seulement l’apparence.
Dieu seul est juste et lit au fond du cœur.
Toi-même étant connu, tu pourrais ne pas plaire ;
Et le monde impuissant, par l’oubli volontaire
Peut te payer, faute de mieux.
Veux-tu que je te donne un avis salutaire?
N’aspire désormais qu’au royaume des cieux.
Combien en ai-je vu dans mon immense empire,
Émus aux accords de ma lyre.
Ignorant les mortels autant qu’ignorés d’eux,
Dont seul l’astre du jour a connu l’existence! »
Le Mérite, à ces mots, comprit son ignorance.
Il fut dès lors convenu
Que le Mérite, abdiquant la jactance,
Ne devait aspirer qu’à rester inconnu.
“Le Désert et le Mérite”