L’hiver, sous son manteau de neige,
Abritait des moissons le germe à peine éclos ;
Un fermier profitait de ce temps de repos
Pour prendre des oiseaux au piège.
Au nombre des captifs un moineau se trouvant,
A lui tordre le cou le laboureur s’apprête,
Quand le pauvret lui dit : «Arrête,
Qu’au moins je sache auparavant
En quoi j’ai mérité ta haine.
Je suis né sous ton toit, ta demeure est la mienne :
Quand les autres oiseaux sont chassés par la faim,
D’un regard attristé quand tu cherches en vain
L’hirondelle dans l’air, le pinson dans la haie,
Moi, fidèle à ta cour, que ma présence égaie,
Seul sous la neige encor j’y cherche quelque grain.
Épargne ton ami, ton hôte…
—Assez, assez, dit le fermier ;
Tant qu’il se trouvera du blé dans mon grenier,
Les hôtes tels que toi ne me feront pas faute ;
Mais à m’en délivrer tous mes soins seront mis :
Les amis de mon grain ne sont pas mes amis. »
“Le Fermier et le Moineau”