Lemoine transportait à Villers, pour les vendre,
Une chèvre, un mouton, plus un porc, gras et tendre.
Le mouton et la chèvre étaient tranquillement
Couchés dans la charrette, attendant bonnement
Sans se plaindre ou gémir, la fin de leur voyage.
Mais le vil porc rétif criait, faisait tapage.
Le bon fermier lai dit : 0 méchant animal !
Veux-tu bientôt finir cet affreux bacchanal.
Imite sans retard, le mouton et là chèvre,
Car tes cris finiraient par me donner la fièvre.
Ils se taisent tous deux, ils ne sont pas bavards,
Toi, tu me fais l’effet du plus sot des grognards.
— On se connaît assez, mon cher monsieur Lemoine,
Répondit notre porc, je n’aurai plus d’avoine;
Aussitôt à la foire, un cruel charcutier,
Qui ne consent jamais à nous laisser entier,
M’appliquera ce soir le couteau sur la gorge ;
Adieu, pommes de terre, avoine et la bonne orge.
Je sais, depuis longtemps, la chèvre pour son lait,
Le mouton pour sa laine, offrent un grand attrait,
Mais pour moi, malheureux qui n’ai ni lait ni laine,
J’ai le droit de me plaindre, hélas ! dans cette plaine.
“Le Fermier et le Porc”