Dans la grande cour de Bicêtre
On voyait encor l’an dernier
Un pauvre fou qui croyait être
L’empereur Nicolas premier.
Dans chaque gardien de l’hospice
Il voyait un ambassadeur,
Et dans chaque garçon d’office
Un sapeur.
Le tablier peut-être aidait à son erreur.
Sa houppelande grise était manteau d’hermine ;
Un crachat de papier décorait sa poitrine.
Les autres fous étaient tous ses sujets,
Prompts à seconder ses projets.
Il n’aurait pas donné son trône imaginaire
Pour tout l’or d’un millionnaire ;
Enfin cet homme était, je croi,
Comme on dit, plus heureux qu’un roi.
Tâchons, sans être fou, de suivre un tel exemple,
De notre humble maison sachons nous faire un temple ;
Egayons nos soucis, par le bien, par l’amour ;
Du pauvre, quelquefois, visitons le séjour.
Se croire heureux, c’est la philosophie
Et tout le bonheur de la vie.
“Le Fou, fable de Charles Borne”