Jamais auprès des fous ne te mets à portée.
Je ne te puis donner un plus sage conseil.
Il n’est enseignement pareil
A celui-là de fuir une tête éventée.
On en voit souvent dans les cours.
Le Prince y prend plaisir ; car ils donnent toujours
Quelque trait aux fripons, aux sots, aux ridicules.
Un Fol allait criant par tous les carrefours
Qu’il vendait la Sagesse ; et les mortels crédules
De courir à l’achat : chacun fut diligent.
On essuyait force grimaces ;
Puis on avait pour son argent,
Avec un bon soufflet un fil long de deux brasses.
La plupart s’en fâchaient ; mais que leur servait-il ?
C’étaient les plus moqués ; le mieux était de rire,
Ou de s’en aller, sans rien dire,
Avec son soufflet et son fil.
De chercher du sens à la chose,
On se fût fait siffler ainsi qu’un ignorant.
La raison est-elle garant
De ce que fait un fou ? Le hasard est la cause
De tout ce qui se passe en un cerveau blessé.
Du fil et du soufflet pourtant embarrassé,
Un des dupes un jour alla trouver un sage,
Qui, sans hésiter davantage,
Lui dit : Ce sont ici hiéroglyphes tout purs.
Les gens bien conseillés, et qui voudront bien faire,
Entre eux et les gens fous mettront pour l’ordinaire
La longueur de ce fil ; sinon je les tiens sûrs
De quelque semblable caresse.
Vous n’êtes point trompé : ce fou vend la sagesse.
Analyses de Chamfort – 1796.
V. 5. On en voit souvent dans les cours.
La Fontaine, qui vante si souvent Louis XIV sur ses guerres et sur ses conquêtes , avait ici une belle occasion de lui donner des éloges plus justes et mieux mérités. Il pouvait le louer d’avoir banni ces fous de cour si multipliés en Europe, d’avoir substitué à cet amusement misérable, les plaisirs nobles de l’esprit et de la société. C’était un sujet sur lequel il était aisé de faire de beaux ou de jolis vers. La Fontaine avait le choix. On ne l’eût point accusé de flatterie ; et il aurait eu la gloire de contribuer peut-être à faire cette réforme dans les cours de quelques souverains , qui conservaient ce ridicule usage.
Études sur les fables de La Fontaine, P. Louis Solvet – 1812.
Le Fou qui vend la Sagesse.
Abstemius , F. 184.
V. 5. On eu voit souvent dans les cours.
La. Fontaine, qui vante si souvent Louis XIV sur ses guerres et sur ses conquêtes , avoit ici une occasion de lui donner des éloges d’un autre genre, plus justes et mieux mérités. Il pouvoit le louer d’avoir banni ces fous de cour, si multipliés en Europe, d’avoir substitué à cet amusement misérable , les plaisirs nobles de l’esprit et de la société. C’étoit un sujet sur lequel il étoit aisé de faire de beaux ou de jolis vers. La Fontaine avoit le choix. On ne l’eût point accusé de flatterie , et il auroit eu la gloire de contribuer peut-être à. faire cette réforme dans les cours de quelques souverains qui conservoient ce ridicule usage. (Ch.)…Lire la suite