Études sur Le Fou qui vend la sagesse, P. Louis Solvet – 1812.
- Le Fou qui vend la Sagesse.
Abstemius , F. 184.
V. 5. On eu voit souvent dans les cours.
La. Fontaine, qui vante si souvent Louis XIV sur ses guerres et sur ses conquêtes , avoit ici une occasion de lui donner des éloges d’un autre genre, plus justes et mieux mérités. Il pouvoit le louer d’avoir banni ces fous de cour, si multipliés en Europe, d’avoir substitué à cet amusement misérable , les plaisirs nobles de l’esprit et de la société. C’étoit un sujet sur lequel il étoit aisé de faire de beaux ou de jolis vers. La Fontaine avoit le choix. On ne l’eût point accusé de flatterie , et il auroit eu la gloire de contribuer peut-être à. faire cette réforme dans les cours de quelques souverains qui conservoient ce ridicule usage. (Ch.)
Imbert, seul entre tous ceux qui ont écrit des Fables après La Fontaine, s’est permis à cet égard un trait qui vient à l’appui de cette observation, et que voici :
Cette mode (celle des fous) eut jadis chez nous beaucoup d’empire.
Plus qu’à régner les rois aimoient à rire :
Un prince alors, de peur de s’ennuyer,
Ne cherchoit point un sage pour s’instruire.
Mais il prenoit un fou pour s’égayer.
(Liv. 5,fab.13.)
V. 8. Un fol alloit criant par tons les carrefours,
Qu’il vendoit la sagesse : et les mortels crédules
De courir à l’achat………….
Le fabuliste n’ayant point établi le lieu de la scène, on est porté a croire qu’elle se passe aux Antipodes ; car ici haut, de temps immémorial, et c’est le poète de
la raison qui le dit:
…………L’homme le moins sage
Au fond, il ne résulte de cette Fable d’autre leçon que celle de ne pas approcher trop près des fous, do
peur d’en éprouver quelque mauvais traitement. On apprend cela aux enfants en même temps qu’on leur recommande de se garer au-dehors des gens ivres et des chevaux; et c’étoit assez peu la peine de composer une Fable pour amener quelque chose d’aussi commun. Je ne sais si je ne préféreroie pas à cet apologue ce petit trait qui tend, d’une manière bien plus persuasive, à peu près au même but : M. de Turenne, voyant un enfant passer derrière un cheval, de façon à pouvoir en être estropié par une ruade , J’appela et lui dit ; » Mon bel enfant, ne passez jamais derrière un cheval sans laisser entre lui et vous l’intervalle nécessaire pour que vous n’en puissiez être blessé. Je vous, promets que cela ne vous fera pas faire une demi-lieue de plus dans le cours de votre vie entière ; et souvenez-vous que c’est M. de Turenne qui vous l’a dit. » (Ch.)