Un geai, pillard de sa nature
Tout autant qu’une pie, et mainte créature,
Sans en excepter l’homme en ce temps vicieux,
Entra dans le taudis d’un avare fameux,
Laid, sale, malpropre et crasseux,
Ainsi que l’on voit tout avare,
Espèce, hélas I qui n’est point rare ;
Mais, chose qui l’est beaucoup plus,
A l’harpagon, le geai vola quelques écus ;
Et, par un caprice bizarre,
Alla les cacher dans un trou.
L’avare, l’ayant su, se saisit du filou,
Et dit : Méchant oiseau, par quelle sotte rage
Tu voles mes écus ? en peux-tu faire usage ?
Et les juges-tu bons à manger, par hasard ?
Du tout, répondit le pillard,
Mais, en te prenant pour modèle,
Et suivant ton exemple avec un très-grand zèle,
J’ai pensé qu’ils pouvaient me servir comme à toi,
Qui n’en fais rien du tout. L’avare resta coi
Devant un pareil enthymême.
Dans votre humain cerveau vous aurez beau chercher *
Quelque raisonnement, quelque adroit stratagème,
Nul n’a le droit de reprocher
Aux autres ce qu’il fait lui-même.
*On pourrait même dire pêcher, rime aussi opulente.(Le Geai et l’Avare)