L’autre jour, un fermier
Ensemençait un champ tout couvert de fumier ;
Le temps et la saison , tout était favorable
Et le terrain lui semblait convenable.
Voici qu’un petit grain de blé
Par hasard échappe à sa vue
Ainsi qu’au soc de la charrue ;
Sur le sillon se voyant oublié,
Tout d’abord il se félicite :
— Les autres sont perdus, dit-il, et moi j’évite
D’être avec eux enseveli
Dans le fumier, dans la nuit, dans l’oubli.
Comme il disait ces mots , une bergeronnette,
Qui près du laboureur se tenait toute prête
À porter en son nid mouches et vermisseaux,
L’aperçoit, le saisit, et puis, toute joyeuse,
Le porte à ses petits oiseaux.
Enfants, l’espérance est trompeuse ;
Nous croyons, hélas ! bien souvent
Échapper à quelque accident,
Et nous nous jetons dans un pire :
La Fontaine, en ses vers, a bien su nous le dire.
“Le Grain de Blé”