A Madame Ebérard
En lui envoyant pour Bouquet, le jour de sa Fête , un Grenadier fleuri. 1706.
Voila de vos rigueurs & du pouvoir d’amour ,
Un exemple presque incroyable;
Cet arbre qu’à vos yeux on présente en ce jour,
Cache d’un malheureux le destin pitoyable ;
Il vous aima : vos froideurs, vos mépris
De son ardeur furent le prix,
Et la mort finit sa souffrance ;
Mais le Dieu d’Amour que charma ,
Tant de fidélité, tant de persévérance.
En cet arbre le transforma.
Sous sa forme nouvelle il conserve sa flâme :
Il brûle encor pour vous, & ses ardentes fleurs,
Vous expriment par leurs couleurs ,
Les feux qui regnent dans son ame.
Si vous lui refusez les pleurs
Que vous devez à son sort déplorable ,
Au moins d’une main secourable ,
Daignez quelquefois l’arroser :
Daignez par un regard plus doux , plus favorable ,
Ses maux quelquefois appaiser ,
Et tous les ans , au jour de votre fête ,
Ornez votre sein , votre tête ,
De ces fleurs, dont exprès il separe pour vous.
Qu’il ne soit exposé qu’aux Zéphirs les plus doux ,
Gardez-le bien sur-tout du souffle de Borée :
Il ne fauroit plus soutenir
Rien qui de vos froideurs le fasse souvenir,
Conservez avec soin son écorce sacrée,
Vous le devez, puis qu’autant qu’il vivra,
Son tronc, son tendre tronc, sera
Un Temple où vous serez constamment adorée.
“Le Grenadier”