Charles Porphyre Alexandre Desains
Une fable n’est pas chose facile à faire ;
Cependant je voudrais augmenter mon recueil,
Quelquefois à mes vers on a fait bon accueil,
Ce n’est point le cas de me taire.
Fort bien, me direz-vous, mais seras-tu l’auteur
D’un sujet moral et fertile ?
Et pourrais-tu, d’ailleurs, l’écrire en peintre habile ?
Je n’en sais rien, vraiment, mais je sais, cher lecteur,
Que je ressens au fond du cœur
Le désir de vous plaire et de vous être utile.
Aujourd’hui, c’est un Hanneton
Que le hasard va mettre en scène ;
D’un ormeau verdoyant il rongeait le bouton,
Lorsqu’un petit bambin, qui parcourait la plaine,
Le prit avec transport. On sait que les enfants
Des hannetons sont les tyrans,
Et qu’au lieu d’aller à l’école
Ils perdraient un mois tous les ans
A chanter sans repos : Hanneton, vole…. vole !
L’écolier se met en devoir
De fixer l’animal par un fil qu’il enlace
A sa patte, et bientôt le lance dans l’espace,
Heureux de le lâcher sans cesser de l’avoir.
Au milieu du plaisir, un sentiment l’arrête,
De tourmenter sa proie il sent quelque remord ;
Il n’avait pas le droit d’en faire sa conquête,
Si ce n’est le droit du plus fort ;
Et pour atténuer tant qu’il le peut ce tort,
Il allonge le fil. L’insecte en équilibre !
Faisant plus de chemin dans un cercle trompeur,
De la captivité sentait moins la rigueur ;
Plus le fil s’étendait, plus il se croyait libre.
Se croire heureux c’est le bonheur ;
Tant qu’il demeura dans l’erreur,
Son destin s’écoula paisible.
Vous qui nous gouvernez ou qui faites des lois,
Au respect sacré de nos droits
Montrez votre cœur accessible ;
Éloignez tout calcul tyrannique et subtil,
Et s’il faut qu’à la patte on nous attache un fil,
Allongez-le le plus possible !
Charles Porphyre Alexandre Desains