Jean Baptiste François Ernest Chatelain
Au fort de l’hiver un Héron
Se trouva pris par la famine :
Alors que tout est glace, on fait maigre cuisine,
Aussi le peuple oiseau fuyait par escadron.
Dans ce péril extrême, à certaine Fouine
Le Héron eut recours, par écrit promettant
De la dédommager le dégel arrivant.
” Passez votre chemin, paresseux que vous êtes ! ”
Lui dit la Dame au long museau.
” Ce n’est pas d’aujourd’hui que des gueux malhonnêtes
S’en viennent mendier ; dans un pareil panneau
Je ne donnerai point ; débarrassez ma porte,
Allez ! “— De prime abord éconduit de la sorte
Le Héron serait mort de faim,
Si le dégel n’était venu soudain
Détressé alors chez les Fouines.
La neige au sommet des collines
Se fondant tout â coup, inonde le pays.
La Dame en question, décampe du logis.
Et sur le haut d’un roc se tapit au plus vite.
Le Héron lui rendit visite.
” Je pourrais,” lui dit-il, ” de goujons vous nourrir
Jusqu’à la fin de ce déluge,
Mais les gens comme vous, je juge,
Aux services d’autrui plutôt que recourir
Préfèrent noblement mourir.
Ainsi mourez, ma bonne Dame,
Et que Dieu veuille avoir votre âme ! ”
Loin d’insulter au malheureux
Pour adoucir ses maux faisons notre possible ;
A la peine d’autrui qui se montre insensible
Périra, si son sort devient un jour fâcheux,
Abandonné des hommes et des Dieux !
“Le Héron et la Fouine”