Louis de Combettes-Labourelié
Poète, écrivain et fabuliste XIXº – Le hibou philosophe
Un hibou, grand penseur, grave, fin politique,
Philosophe taillé sur le modèle antique,
De cynisme et d’orgueil superbement drapé,
D’une dignité froide et presque dédaigneuse,
Restait toujours enveloppé,
Dans une gravité froide et silencieuse.
Quand arrivait le temps des congrès annuels
Et qu’on le convoquait à ces plaids solennels,
D’un vol tranquille et lent il atteignait sa place ;
Écoutait sans répondre à la troupe loquace
Des divers orateurs ; et quand il opinait,
C’était sans cesse du bonnet.
Dans les pressants dangers, les grandes circonstances,
Dans les fortes questions de guerre ou de finances,
Si parfois il ouvrait le bec,
On l’écoutait avec respect,
Et chacun, dans l’aréopage,
Disait : « Il a parlé, le sage ! »
Un jour, un jeune duc, apprenti sénateur,
Lui dit : « Maître, pourquoi, vous, quatre fois docteur
Et qui connaissez toute chose,
Restez-vous toujours bouche close ? »
« Mon fils, » lui répondit le hibou, « retiens bien
Cette leçon que je t’adresse :
Savoir se taire est tout, parler n’est presque rien ;
On se perd en parlant sans cesse,
En faisant de trop longs discours ;
Le silence sera toujours
Pour la moitié dans la sagesse. »
Louis de Combettes-Labourelié (1817-1881), Le hibou philosophe