M. C***
Auteur anonyme – Le hibou philosophe
L’Aigle , dit-on , voulut un jour
Réformer sa nombreuse cour ;
De mille oiseaux , l’importune cohorte
Depuis longtemps fatiguait sa grandeur ;
Un coup de bec les mit tous à la porte.
Servez les grands ! comptez sur leur faveur !
Aussi chacun, dans sa disgrâce,
De murmurer à qui mieux mieux.
Qui peut jamais remplir ma place ?
Dit tout haut le Paon orgueilleux,
Suis-je un serviteur inutile !
De cette cour je fais seul l’ornement.
Et moi, dit le Geai imbécile.
N’en suis-je pas l’amusement ?
Jusqu’au moindre oisillon, tout est un personnage
Que devait distinguer une réforme sage.
Tandis qu’à tous nos mécontents
Un olivier prochain, servant alors d’asile,
Prêtait ses rameaux bienfaisants
A l’indiscrète volatile,
Certain Hibou , non pas de ceux
Qui sont l’effroi de la nature,
Hibou jadis courtisan malheureux,
Et de hibou n’ayant que la figure,
Leur adressa ce peu de mots :
« De votre liberté connaissez l’avantage ,
Vous vous plaignez mal-à-propos ;
On gagne tout en quittant l’esclavage :
Quoi ! dans le vaste champ des airs,
Ne vous reste-t-il pas un assez beau domaine ?
A vous voir abattus par ce petit revers,
On vous croirait d’espèce humaine.
Cessez cette vaine clameur ;
J’ai porté, comme vous, une brillante chaîne ;
Comme vous, près des grands, j’ai cherché le bonheur,
Et je ne l’ai trouvé que dans le creux d’un chêne. »
Fable Le hibou philosophe
M. C***