Jean-Joseph Monmoreau
Poète et fabuliste XIXº – Le laboureur accusé de magie
Sur les rives de l’Hénarès,
Un laboureur, en dépit de l’envie,
Prospérait : ses enfants, sa compagne chérie,
Les champêtres travaux, occupaient seuls sa vie.
En été, la blonde Cérès
Protégeait sa moisson ; de son côté, Pomone
Jetait les yeux, au retour de l’automne,
Sur ses arbres à fruits : ses fertiles sillons
N’étaient point tapissés par les herbes sauvages ;
Le soleil, dont le cours enfante les saisons,
Colorait ses raisins ; et ses gras pâturages
Donnaient d’excellent lait à ses jeunes brebis…
Quand ses voisins, jaloux de sa richesse,
L’accusent de magie, et le traitent sans cesse
D’exécrable sorcier. L’agronome, surpris
Des clameurs de nos gens amants de la paresse.
Conduit, un jour, au centre du hameau
Son vigilant berger, suivi de son troupeau,
Ses valets, ses deux fils, son robuste attelage
Traînant un char dont le fardeau
Se composait d’outils de labourage.
— Voilà de ma prospérité
La cause, dit le sage à la foule accourue :
C’est au travail, aux soins, à ma charrue,
Que je dois mes trésors et ma félicité.
Jean-Joseph Monmoreau, Mai 1865