Auguste Joseph Duvivier
Médecin et fable XVIIº – Le Lapin et le Hérisson
Au fond du même bois, sous le même feuillage,
Le Hérisson et le Lapin
S’étaient mis tous deux en ménage.
Parfois l’un et l’autre voisin,
Dans une douce causerie,
Sur la mousse naissante ou sur l’herbe fleurie,
Echangeant leurs chagrins, échangeant leurs plaisirs,
Tour à tour confiaient à leur âme attendrie
Et de tristes regrets et de joyeux désirs.
Camarade Lapin disait à son compère :
« Ami, de grâce, apprenez-moi
» Pourquoi,
» Lorsque j’offre à chacun bienveillance sincère,
» Attachement de cœur, affection de frère,
» Lorsque je n’ai jamais au plus humble animal
» Causé le moindre tort ni fait le moindre mal,
» Je vois s’acharner à ma perle
» Un si grand nombre d’ennemis ?
» Toujours dangers nouveaux, toujours nouvelle alerte !
» Vivre en paix est un bien qui ne m’est pas permis !
» Au contraire, votre existence
» Dans un heureux loisir coule tranquillement :
» Les hôtes de ces bois respectueusement,
» Dès que vous paraissez, se tiennent à distance :
» En personnage d’importance
» Chacun ici vous traite. Ah ! dites-moi comment
» L’on peut se procurer un destin si charmant !
» — Je veux, mon bon voisin, de mon expérience
» Vous aider aujourd’hui (reprit le Hérisson),
» Et vais vous dire sans façon
» En quoi consiste ma science
» Contre un monde pervers le sage doit s’armer :
» De sa méchanceté si j’ai moins à me plaindre,
» C’est que vous ne tâcher qu’à vous en faire aimer,
» Et que je sais m’en faire craindre.
Auguste Duvivier