A. Dachez
Un lapin relevant de grave maladie,
De porte en porte allait demander un emploi ;
Il répétait à tous : — « Voyons, occupez-moi ;
« Je sens me revenir la force avec la vie ;
« Je suis fidèle, sobre, économe du temps ;
« Je ferai mes efforts pour vous rendre contente :
« Faites-moi donc au moins gagner ma nourriture…, »
Partout on repoussa la pauvre créature
Qui se rendit enfin chez son ancien ami.
Un mulot qui vivait au sein de l’abondance.
— « Je viens, dit le lapin, te demander appui,
« Pour pourvoir aux besoins de ma frêle existence ;
« Je cherche du travail ; pourrais-tu m’en fournir ? »
— « Je ne puis rien pour toi. » — « Que vais-je devenir.
« De douleur et de faim me faudra-t-il mourir ?
« Fais-moi l’aumône ? » — « Non, repartit l’égoïste,
« Que m’importe ! vis si tu peux,
« Et, mon cher, crève si tu veux ! … »
Le lapin s’éloigna confondu, morne, triste.
Et s’en alla mourir au fond de son terrier.
Hélas ! dans le temps où nous sommes.
Que de mulots, parmi les hommes.
Laissent, toujours en vain, prier et supplier.
Les malheureux lapins, en proie à la misère.
Qui couvrent notre pauvre terre !…
A. Dachez