Jean-Louis Azencott
Fabuliste contemporain – Le Lièvre et la Tortue
Par une belle matinée de printemps, une tortoche, les lotos grands ouverts, bonit au lièvre d’un air inspiré :
— Dis donc rmarsupilami, toi qu’as des fumerons à rallonge, t’es pas cap de faire aussi fissa que mézigue sur cent mètres départ arrêté, chrono en pogne.
Gueulement du kangourou (c’était un lièvre à longues flûtes bien sûr) :
— ARRRGGHHH ! Taille-toi d’ma vue graine d’andouille, tu vois pas que t’as la lenteur d’un escargmuche, non ? Insolente de mes trois, va ! Allez, dégage de là ou tu vas goûter au ragoût d’ma vengeance !
— Vas donc, eh, prétentieux ! J’te parie bien un chewing-gum à bulles que j’arrive avant tézigue, éructa la ménesse en rajustant son calecif et en remontant ses doudounes atrophiées ; puis elle poursuivit désinvolte :
— Allez toto, crachouille ta morve, débagoule le top départ qu’on en finisse, c’est pas pour chiquer c’te course !
— OK, répondit le gibelot, elle doit avoir la moule qui bataille et l’citron chaviré c’te gisquette caravanée pour défier une espèce montée sur foret d’six comme ma pomme, elle va bigler de quel bois j’me chauffe, foi d’Bunny Rabbit !
Et sur ce, nos deux compères allèrent prendre le départ.
Il sortit son gun : PAN !
« Quelle vantarde c’te chouquette au porte-pipe pincé et au tarin qui pète aux angles, confia le Lièvre à sa poire, avec ses p’tits panards elle va ramer, ouais ! Bon voyons un peu… Y a l’bourguignon qui cogne sévère sur mes antennes, j’partirai à la fraîche, allons plutôt en griller une et gambader dans la mouscaille, elle est vraiment nave c’te romano… vouloir battre un lièvre ! Non mais…»
Et il se mit à renâcler les lauriers, zyeuter les flamants roses en arrêt devant des pescales appétissants, un léger zef lui parcourant le quart de brie. Des paillettes de jonc ballotant les rayons chauds du moulana où il étendait ses fumerons, s’offraient à sa pogne. Ici, quelques abeilles goupillaient un gâteau de miel, là un colibri lui chatouillait le colbac. Il faisait aussi râper ses valseuses sur le gazon en y prenant un malin plaisir, puis, avec une lyre imaginaire en pogne, y s’pieuta dans l’herbe pour piquer un roupillon mérité, quand soudain il esgourda dans ses paraboles mobiles :
— Victoire ! Eurêka ! Ah ah ah…
O stupeur ! C’était la tortoche qui, sans tarder, s’était débinée au trot et qui, fîère de son exploit, lui adressait le cri de la victoire depuis l’poteau d’arrivée ; puis, avec un balancement calculé de son pétard, elle y molarda dans l’beignet :
— Eh, l’rongeur d’mes patounes, remets-toi d’tes émotions, c’est drôlement choucard de faire la course avec un loser comme tézigue. JTai gagné mon chewing-gum à bulles malgré ma piaule sur mon dos et mes soixante-dix berges, on dirait ! On r’met ça quand tu veux ! En attendant, gueule de raie, envoie la soudure et fissa, au lieu d’gicler des mirettes comme une morue en chagrin, ta cavale elle est un chouïa tardive, mon lapin !
Moralité : Vaut mieux perdre une course, finalement, que d’choper des caries.
“Le Lièvre et la Tortue”