Louis de Combettes-Labourelié
Poète, écrivain et fabuliste XIXº – Le lion endormi
Sa majesté Lion sommeillait. Aussitôt
Moutons, cerfs, sangliers, chevreuils, daims et gazelles,
Victuailles habituelles
De l’ogre du désert, forment un grand complot.
« Le moment est venu, » dit un cerf plein d’audace;
« Frères, le ciel sur nous jette un regard ami ;
De nous voir opprimés, à la fin il se lasse :
Il nous livre notre ennemi.
Toi, mouton, que dame nature,
Pour l’attaque doua d’une âme forte et dure,
Porte le premier coup ; tous, nous te soutiendrons ;
Réunis, nous triompherons.»
Le pauvre animal lanigère,
Enflammé d’une ardeur guerrière,
Se dressant aussitôt sur ses pieds de derrière,
De ses cornes frappa le monarque endormi.
A ce choc le lion entr’ouvrit sa paupière,
Languissamment, à demi.
Puis étendant sa patte redoutable,
Il cloua sur le sol son tremblant ennemi.
« A moi, frères, » bêla d’une voix lamentable
Le pauvre mouton éperdu.
Hélas ! ce fut en vain : tous avaient disparu.
Méfiez-vous, a dit un sage,
Du sommeil de vos ennemis ;
Aux promesses de vos amis,
Ne vous fiez pas davantage.
Louis de Combettes-Labourelié (1817-1881), Le lion endormi