Pour un prince africain un jeune Lionceau
Fut arraché de son berceau ;
Puis, à force de soins, et de jeûne, et d’adresse,
On l’instruisit ; enfin, on en fit un agneau. . . .
On le croyait, du moins!…. Le prince et la princesse
Lui faisaient partager leur table et leur ennui :
On l’honora bientôt du nom d’ami;
Un prince, il faut qu’on le confesse,
En a beaucoup de cette espèce.
Un jour que du prince africain
L’ami Lion léchait la noble main
Par cette langue épaisse et de meurtre altérée,
La peau se trouva déchirée,
Le sang parut! . . . Vous eussiez vu les yeux
Du jeune monstre atrocement joyeux !
Une agitation horrible
A coups pressés faisait battre son flanc,
Et son regard , plein d’un instinct terrible,
Semblait dire : Oh ! voilà du sang!
On s’aperçut de l’infâme allégresse
Du compagnon de son Altesse ;
On l’étrangla; c’était bien le plus court :
Il eût croqué le prince avec toute sa cour !
Sur l’amitié des gens de féroce nature
Se confier, c’est être sans raison :
Cette amitié-là n’est pas sûre.
Si bien apprivoisé que paraisse un Lion ,
Craignez pour lui l’occasion !
“fable : Le Lionceau”
- Ulric Guttinguer, 1787 -1866