Certain loir, en son trou, faisait si grande chère,
Qu’il était gros et gras à crever dans sa peau ;
C’était parmi les loirs un Lucullus* nouveau,
Un véritable Lareynière*.
Mais, par l’oisiveté conduit,
L’ennui pénètre en son réduit ;
Il en ressent bientôt la maligne influence ;
Hélas ! qui de l’ennui n’a pas porté le poids ?
Sous le chaume de l’indigence,
Sous les lambris de l’opulence,
Il trouve accès ; combien de fois
N’a-t-il pas fait rider le front même des rois ?
Un jour donc, notre loir, la panse par trop pleine,
Et l’air encor tout endormi,
Clopin-clopant, alla conter sa peine
A sa voisine la fourmi :
J’ai beau manger, dit-il, et dormir à mon aise,
Je ne suis pas heureux ; or, je viens aujourd’hui,
Ma bonne sœur, pour qu’il te plaise
De m’enseigner un remède à l’ennui.
La fourmi lui répond : Sans doute, monsieur raille ;
Un remède à l’ennui ! Fais comme moi, travaille.
*Gastronome, épicurien.
“Le Loir et la Fourmi”
- Jean-Auguste Boyer-Nioche, 1788-1859