«Ami loir, reçois ma visite ;
Il est tard, je viens sans façon
Partager ton souper, ton gîte. »
Ainsi parlait un hérisson.
« C’est trop d’honneur que vous me faites,
Lui répond le loir ingénu ;
Voici des faînes, des noisettes ;
Chez moi soyez le bienvenu »
Sur le repas l’intrus se jette
(Voyage aiguise l’appétit),
Puis, quand il a fait table nette,
« Ça, dit-il, prête-moi ton lit. »
Et, sans attendre la réponse,
Sans dire à son hôte bonsoir,
Dans le lit de mousse il s’enfonce ;
Un coin nu reste seul au loir.
Mais la cellule est tout étroite
Et le hérisson, qui dort peu,
En se tournant à gauche, à droite,
A son ami fait voir beau jeu.
« Ah ! je perds enfin patience !
Dit le pauvre loir tout en sang ;
Délivre-moi de ta présence ;
Sors ! hôte incommode et blessant.
— Moi ! dit-il, quitter cet asile !
Ma foi ! non, je m’y trouve bien ;
Mais toi, qui fais le difficile,
Va-t-en, si cela te convient.
— Oui, je pars, dit le loir tout triste ;
Il le faut bien ; car, je le voi,
Quand on héberge un égoïste
On n’est plus le maître chez soi. »
“Le Loir et le Hérisson “