Au courant d’un ruisseau buvait une brebis.
Vers l’autre bord un loup épuisé, hors d’haleine
Et sur l’herbe abattu se traînait avec peine.
Des chiens et des chasseurs contre lui réunis,
Grâces au sort ainsi qu’à son génie,
Il avait su tromper la phalange ennemie ;
Mais de soif expirant
Il craignait de toucher à son heure dernière.
Faible et ne pouvant donc arriver au courant
Où la brebis se désaltère :
Bonne brebis, dit-il, à mon état affreux
Daigne t’intéresser ; à côté du remède,
Hélas ! je vais périr. De ton cœur généreux
En ma faveur, je t’en prie, un peu d’aide :
Une légère goutte d’eau
Me peut arracher au tombeau
Dont je vois sous mes pas s’ouvrir l’horrible abîme.
Bonne-brebis, sois tendre et magnanime ;
Par pitié viens m’apporter ce secours
Si facile pour toi, pour moi si nécessaire :
Par l’olympe et l’enfer ne crains rien pour tes jours.
Je me hâterais de le faire,
Lui répondit l’innocent animal,
Si, connaissant l’excès de ta malice,
Je ne craignais que ce service
Au même instant ne me devînt fatal.
L’ardeur de ta soif apaisée,
Ta faim, pourrait bien en être aiguisée ;
Et je sais trop que du méchant
Il n’est serment qui puisse enchaîner le penchant.
“Le Loup et la Brebis”