Le soleil se levait ; sa splendide lumière
Annonçait un beau jour au pays Percheron.
Debout, avant l’aurore, un pauvre bûcheron
Venait de quitter sa chaumière,
Pour retourner à la forêt.
Seule au logis, sa jeune fille Annette
S’était devant la porte assise à son rouet,
Surveillant sa chèvre Biquette,
Qui, dans un pré voisin, paissait en ce moment.
Tout-à-coup d’un buisson s’agite le feuillage,
Un vieux Loup en sort brusquement,
Et la Chèvre de fuir du côté du village.
La frayeur lui donnait les ailes d’un oiseau.
Messire Loup, que la faim aiguillonne,
Se met à courir sus, la presse, la talonne ;
Déjà le carnassier allonge son museau
Pour la saisir. L’autre, près d’être prise,
Réussit à gagner les abords de l’église.
Par un bonheur inespéré,
La porte du lieu saint se trouvait entr’ouverte.
Biquette, le jugeant un asile assuré,
S’élance dans la nef en ce moment déserte.
Hélas ! pour les méchants il n’est rien de sacré.
Le Loup, ardent à la poursuite,
Sans hésiter y pénètre à sa suite.
Dix fois par eux la nef, le chœur sont traversés ;
Chaises, bancs, tabourets, sont partout renversés ;
Quand le larron, que son ardeur emporte,
Vient par hasard se heurter à la porte,
Qui se ferme de chute, et le Loup qu’alléchait
L’espoir de la curée, est pris au trébuchet.
Cet incident sauva la Chèvre poursuivie,
Car le bedeau qui, de la sacristie,
De cette scène étrange avait été témoin,
Avertit les voisins ; on commence une ronde ;
Le mauvais garnement ne pouvait être loin.
Le Loup, saisi d’une terreur profonde,
S’était, à leur approche, accroupi dans un coin.
Conclusion : Puni pour son audace,
Le vieux forban fut assommé sur place.
Loups à deux pieds, aux cœurs durs, pervertis,
Qui, sans pudeur, par force ou par adresse,
Vous engraissez aux dépens des petits,
Méditez cette fable : elle est à votre adresse.
“Le Loup et la Chèvre”