Le loup ( bas)
Suivons le cours de ce ruisseau.
Quelque brebis, par aventure,
Peut venir en ce lieu chercher une onde pure…
Justement ! je vois un agneau.
Je suis à jeun, de faim j’enrage.
(Haut)
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
L’agneau
Que Votre Majesté ne se mette en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d’elle ;
Et que, par conséquent, en aucune façon
Je ne puis troubler sa boisson.
Le Loup
Tu la troubles, te dis-je, animal sans cervelle !
Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
L’Agneau
Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?
Informez-vous ; je tette encor ma mère,
Le Loup
Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
L’Agneau
Je n’en ai point.
Le Loup
C’est donc quelqu’un des tiens ;
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens,
On me l’a dit ; il faut que je te mange.
L’Agneau
Cruel ! tôt ou tard le ciel venge
L’innocence opprimée, et frappe les méchants ;
Ses plus terribles coups sont pour les plus puissants.
“Le Loup et l’Agneau “