Fleury Flouch
Au bord d’un bois choisi pour lieu du rendez-vous,
Des loups baillaient, affamés, gueule ouverte.
Au sort tombé, l’un d’eux, pour l’intérêt de tous,
S’en allait à la découverte.
La veille, ayant jeûné du matin jusqu’au soir,
N’ayant guère dormi, comme on peut le prévoir,
Il déplorait son destin misérable,
Lorsqu’au bruit de ses pas s’élance d’une étable
Un chien dont l’embonpoint faisait plaisir à voir,
Mais dont la gueule redoutable,
Du plus hardi larron pouvait tromper l’espoir.
Quel repas pour la gent lupine,
Qu’en ce moment assiège la famine !
Ce chien peut restaurer plus d’un loup aux abois,
L’éclaireur se promet d’en manger comme trois.
Mais le mâtin s’arrête et l’examine ;
Il faut d’abord l’attirer vers le bois.
« Ami, dit le voleur, quelle heureuse fortune »
Me fait ici te rencontrer ?
» Un daim blessé, là-bas, vient d’expirer ; »
Les chasseurs ont perdu sa trace. Sans rancune.
» Prends-en ta part ; j’ai trop de la moitié. »
Frère, aujourd’hui faisons table commune,
Car c’est ainsi que l’on noue amitié ».
Mais le chien en grondant, au traître qu’il méprise,
Montre ses dents que la colère aiguise ;
Sur lui s’élance, à la voix du pasteur,
Et combattant sans lâcher prise,
Etrangle net le poltron maraudeur,
Puni de son vain stratagème.
Tel qui veut perdre autrui, se perd souvent lui-même.
Fleury Flouch