Autrefois Carpillon fretin
Eut beau prêcher, il eut beau dire ;
On le mit dans la poêle à frire.
Je fis voir que lâcher ce qu’on a dans la main,
Sous espoir de grosse aventure,
Est imprudence toute pure.
Le Pêcheur eut raison ;
Carpillon n’eut pas tort.
Chacun dit ce qu’il peut pour défendre sa vie.
Maintenant il faut que j’appuie
Ce que j’avançai lors de quelque trait encor.
Certain Loup, aussi sot que le pêcheur fut sage,
Trouvant un Chien hors du village,
S’en allait l’emporter ; le Chien représenta
Sa maigreur : Jà ne plaise à votre seigneurie
De me prendre en cet état-là ;
Attendez, mon maître marie
Sa fille unique. Et vous jugez
Qu’étant de noce, il faut, malgré moi que j’engraisse.
Le Loup le croit, le Loup le laisse.
Le Loup, quelques jours écoulés,
Revient voir si son Chien n’est point meilleur à prendre.
Mais le drôle était au logis.
Il dit au Loup par un treillis :
Ami, je vais sortir. Et, si tu veux attendre,
Le portier du logis et moi
Nous serons tout à l’heure à toi.
Ce portier du logis était un Chien énorme,
Expédiant les Loups en forme.
Celui-ci s’en douta. Serviteur au portier,
Dit-il ; et de courir. Il était fort agile ;
Mais il n’était pas fort habile :
Ce Loup ne savait pas encor bien son métier.

Analyses de Chamfort – 1796.
V. 1. Autrefois carpillon fretin;
Après l’Apologue précédent, dont la moralité est si étendue, en voici un où elle est très-étroite et très-bornée. Elle rentre même dans celle d’une autre fable, comme La Fontaine nous le dit dans son petit Prologue assez médiocre.
V. 10. Ce que j’avançai lors, de quelque trait encor.
Cela n’avait pas besoin d’être appuyé de cette consonance de lors et d’encore insupportable à l’oreille. Il n’y. avait qu’à mettre ce qu’alors j’avançai, etc.. Il est impardonnable d’être si négligent. (Le Loup et le Chien maigre)