Pierre-François-Albéric Deville
Un fameux Médecin
Avait dans son jardin
Des fleurs de toutes les contrées ;
Mais leurs vertus, la plupart ignorées,
Souvent dans leur emploi le rendaient incertain.
Un Souci pluvial, qu’il connaissait à peine,
Agitait tour à tour ses pétales charmants.
« Pourquoi donc, lui dit-il, tant de frémissements ?
Par quelle cause inconnue et soudaine
Éprouves-tu ces divers mouvements ? »
La Fleur lui répondit : « Docteur, viens à l’école.
Quand le soleil parait brillant et pur
J’entr’ouvre aussitôt ma corolle ;
Mais on me voit changer de rôle
Lorsque le temps n’est pas très-sûr.
Le matelot, redoutant la tempête,
Vient me consulter sur les vents ;
Et la veille du jour où l’on chôme une fête,
On m’interroge encor sur les événements ;
Enfin je fais ici la pluie et le beau temps. »
— « Tu l’emportes sur moi par un rare avantage,
Repartit le docteur ; mais retiens cet adage
Comme une instructive leçon :
Prévenir le mal est plus sage
Que d’opérer sa guérison. »
“Le Médecin et le Souci pluvial”