Un moineau débutant, bien foible, bien fragile ,
S’égara dans des bois déserts, Loin de son petit domicile,
À l’Age où la gent volatile
N’a pas encor vaincu les airs :
De ses ailes parfois il essayoit l’usage ,
Et sautilloit sur le feuillage
De branche en branche , ayant grand soin
De ne pas s’avancer pins loin.
Mais qui sait s’arrêter? souvent même le sage
Va plus loin qu’il ne veut. Notre petit moineau ,
Tout en craignant le vent, le froid , le chaud , l’orage ,
La sécheresse et même l’eau ,
Enfin tout, se trouva sans guide et sans asile
Dans un lieu sauvage et stérile ;
Pour chercher du secours il erroit au hasard ,
Lorsqu’il aperçut à l’écart
Un oiseau protecteur dont l’aile ingénieuse
Voiloit avec constance une tribu nombreuse
D’oisillons craintifs et fuyards ,
Qui sous cet abri sûr échappoient aux regards
Comme à tous les dangers; à la poule couveuse
Le petit égaré, d’un air respectueux ,
Exposa ses besoins et l’objet de ses vœux ;
Pour mon âge, dit-il, la nuit est dangereuse :
Que faire seul errant dans la noire vapeur ?
Ayez pitié de moi, j’ai faim, j’ai froid, j’ai peur;
Au gré de mes souhaits montrez-vous généreuse ,
En daignant m’accueillir dessous l’ample manteau,
Où l’on voit prospérer votre léger troupeau ;
Je n’abuserai pas de votre bienfaisance;
Il faut si peu pour un moineau ;
Tolérez cette nuit ma débile existence
Auprès de vous ; et puis demain ,
Guidé par votre expérience ,
Je trouverai le bon chemin :
Comptez sur ma reconnoissancce
Hélas! il pria vainement;
Le lendemain , le pauvre enfant
Fut pris par des filets dans la forêt prochaine.
On dit que la poule inhumaine
Se repentit de ses refus ;
Mais le moineau n’existoit plus.
Le ciel vous envoya pour éclairer la terre :
Parcourez la noble carrière
Qui vous conduit à l’immortalité ;
Mats répandez sur tous , vos torrens de lumière;
Le passereau le plus vulgaire
Ne doit pas être rejeté.
“Le Moineau”