Il était presque midi ; un Moineau bien affamé volait à peine de branches en branches ; exténué par la faim , et jetant ses regards dévorans, il aperçut â la cime d’un arbre une araignée entourée de quantité de gibier ; il se dit : comment faire ? si je m’approche trop près , je m’entortillerai dans ses filets ; exténué et faible comme je suis , je pourrais y rester ; employons la flatterie. Il se plaça sur une petite branche voisine , et dit : ah ! belle araignée , qu’il y a long-temps que je désirais de faire la connaissance d’un être aussi parfait ; tu es d’une adresse et d’une légèreté qui n’ont point d’égales ; tu mérites bien la bonne chère que tu fais ; tu dois bien remercier les dieux de t’avoir si bien favorisée ! L’araignée répond : pourquoi me parle-tu des dieux ? je n’en connus jamais ; je ne connais que les félicités et la belle nature, qui m’a faite telle que tu me vois. Sitôt que je me lève, je tends mes filets , et demi-heure après, je trouve bien au-delà de tous mes besoins pour la journée.
Le moineau lui dit encore : tu as le port aussi majestueux que l’éléphant qui est véritablement Je roi de tous les êtres. Aussitôt l’araignée marche, sort de ses filets et s’approche du flatteur ; le moineau n’ayant plus besoin de flatterie, lui lance un fort coup de bec, la blesse à mort, et fait un fameux repas. Comme il restait encore beaucoup de gibier dans les filets , le moineau fut chercher un ami pour faire valoir son adresse, et aussi lui procurer un bon festin ; ils se dirent tous deux : vivons sans soucis , ne faisons que parcourir les contrées voisines, et employons toutes les finesses et flatteries dont nous serons capables.
“Le Moineau et l’Araignée”