On sait que, parmi les oiseaux,
La race des moineaux
Est d’humeur à la fois criarde et tapageuse :
De ces bavards une troupe nombreuse,
S’en vint percher, un jour,
Sur un hêtre à l’épais feuillage,
Et de là, son bruyant ramage
Assourdissait les échos d’alentour.
De cet importun voisinage
Lasse à la fin,
Et perdant patience,
Sur la branche d’un vieux sapin
Une pie hardiment s’élance,
Et, pour leur imposer silence,
S’adressant aux pierrots,
Les gourmande en ces mots :
« Vos cris perçants, dit-elle,
De ces lieux troublent le repos :
» On n’entend plus la voix de Philomèle,
» Vous étouffez ses chants harmonieux;
» Cessez cet infernal vacarme
» Et laissez-nous savourer le doux charme
» De ses accords mélodieux. »
À ces paroles de la pie,
La bande des moineaux resta tout ébahie !
L’un d’entre eux, c’était l’orateur
De la troupe, aussitôt répond avec colère :
« Vos plaintes, ma commère,
» A votre goût font peu d’honneur :
» Quoi ! vous mettez en parallèle »
Nos chants
» Si pleins, si vigoureux et si retentissants,
» Avec le chant si mesquin et si grêle
» De cette pauvre Philomèle!
» Mais songez donc que, dans ses bois,
» La nuit, et tout honteux, le rossignol, à peine
» A-t-il chanté pendant trois mois
» Qu’il est à bout et de force et d’haleine !
» Tandis que nous, en plein jour, nous chantons
» Du matin jusqu’au soir, dans toutes les saisons,
» Dans la montagne, et les bois, et la plaine,
» Et sans jamais fatiguer nos poumons !
» Que votre rossignol, ma mie,
» En fasse donc autant, je l’en défie ! »
« Ce qui me plait et me séduit,
» Répliqua sèchement la pie,
» C’est une douce mélodie,
» Et non le tapage et le bruit ! »
La réponse était sage,
Et de la pie, en cette occasion,
J’approuve le langage.
Il pourrait servir de leçon
A ces braillards gonflés de suffisance,
Capables, pour toute science,
De parler haut, longtemps et fort,
Et se croyant, après ce grand effort,
Des foudres d’éloquence !
Adrien-Théodore Benoît-Champy